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Être et avoir = quatre ans de travail ininterrompu

1 – De la naissance du projet à la veille du tournage.

Écriture du projet – 5 mois de repérages – Recherche de financements – démarches administratives et préparation du tournage.

Mars 2000 : je signe une convention d’écriture avec le producteur Gilles Sandoz (Maïa Films, et commence à réfléchir à un film qui porterait sur les difficultés auxquelles se heurte le monde paysan.

Avril/mai 2000 : je prends contact avec la Confédération Paysanne et diverses associations, puis vais à la rencontre d’agriculteurs, chez eux, dans différentes régions de France.

Juin 2000 : L’idée initiale a peu à peu évolué. Je m’oriente à présent vers un film qui raconterait la vie au quotidien d’une de ces écoles rurales dites à « classe unique » comme il en existe encore des milliers en France, en particulier dans les régions montagneuses. Début des repérages en Lozère, en Ardèche et dans l’Aveyron. Il faut faire vite, la fin de l’année scolaire approche.

Début juillet 2000 : je n’ai pas encore trouvé la classe qui convient, mais mes premières visites dans des classes m’ont permis d’engranger suffisamment d’images pour rédiger un projet d’une quinzaine de pages que nous déposons à l’avance sur recettes. J’y décris l’atmosphère d’une de ces classes à multiples niveaux, dresse le portrait de son institutrice et de ses élèves. J’y joins une longue lettre dans laquelle j’expose la démarche qui caractérise mon travail depuis une quinzaine d’années. Enfin, je rédige une série de courriers destinés aux autorités académiques des départements que je visite, pour me présenter, évoquer mon parcours et préciser le contexte de production du film. J’y indique notamment qu’il s’agira d’un long-métrage documentaire, destiné dans un premier temps à sortir au cinéma.

Mi-juillet 2000, les repérages reprennent, et vont se poursuivre tout au long de l’été. Naturellement les écoles sont fermées, mais je parviens tout de même à rencontrer de nombreux enseignants et à visiter les lieux où ils exercent.

Début septembre 2000 : avec la rentrée scolaire, mes repérages s’intensifient. Je multiplie les contacts avec les inspections académiques, obtiens de nombreuses adresses d’écoles, approfondis mes recherches dans les régions déjà parcourues et sillonne de nouveaux départements : Cantal, Haute-Loire, Drôme, Hérault, Gard, Alpes-de-Haute-Provence, Puy-de-Dôme… Parallèlement, je prends contact avec des techniciens pour former mon équipe de tournage, puis avec différents loueurs de matériel et prestataires de services, avec le laboratoire… Bref, la préparation se met en route. Avec Gilles, je participe activement aux démarches nécessaires à la recherche des financements : courriers à la commission d’ARTE France Cinéma, à Jack Lang (alors ministre de l’Éducation Nationale) ; établissements de nombreux dossiers ; rencontre avec le Conseil Régional d’Auvergne…

Mi-octobre, j’ai fini par contacter environ 300 écoles et en ai visité un peu plus d’une centaine. Le 20, première visite à l’école de Saint-Etienne-sur-Usson, qui m’a vivement été recommandée par l’Inspecteur de l’Éducation Nationale de la circonscription d’Ambert.

L’instituteur, Georges Lopez, se montre très vite intéressé par le projet. Il est à deux ans de la retraite. Deux ou trois jours plus tard M. Georges Lopez me donne son accord. Dans l’intervalle, il a réuni l’ensemble des parents pour leur exposer le projet et leur demander à leur tour leur accord… Deux semaines plus tard, toute l’équipe se rend sur place. En présence de l’instituteur et de l’inspecteur de la circonscription, présentation du projet aux parents, qui donneront leur accord écrit dans la foulée. Début décembre, après que nous lui avons fourni l’ensemble les autorisations parentales, l’Académie du Puy-de-Dôme nous donne son accord écrit pour le tournage.

2 – Le tournage

Dix semaines de tournage en six périodes distinctes, réparties entre décembre 2000 et fin juin 2001.

Le tournage, on s’en doute, est extrêmement intense. Le fait que nous soyons une petite équipe (4 personnes) impose à chacun de donner le meilleur de soi. Nous tournons généralement six jours sur sept et faisons de grosses journées, d’autant plus que nous ne logeons pas sur place mais à Issoire, à 40 minutes du village. Bien souvent, après les heures de classe, nous partons filmer des paysages. Parfois aussi, nous allons rendre visite, avec ou sans caméra, à telle ou telle famille.

Cela ne signifie pas pour autant que la caméra tourne du matin au soir… Loin de là ! Ce n’est pas une caméra de surveillance, qui filmerait indistinctement tout ce qui se passe. J’ai maintes fois eu l’occasion de le dire, un documentaire ce n’est pas la « réalité brute » mais une construction, une relecture, le fruit d’un regard subjectif. Il faut donc faire des choix, certaines situations étant à nos yeux plus intéressantes que d’autre. Et puis, nous devons veiller à respecter le rythme de la classe, savoir rester en retrait si que nous sentons que notre présence pourrait gêner tel ou tel, veiller à ne pas « forcer les portes »… Bref, nous tournerons environ 40 minutes de rushes par jour dans la classe.

Entre les différentes périodes de tournage, je visionne plusieurs fois les rushes sur mon téléviseur et en fais un descriptif précis, scène par scène. Cela sera utile au montage.

À ce propos, j’envisage pour la première fois de monter le film sur ordinateur. Mais comme je ne connais rien encore à cette filière technique, je prends le temps de me renseigner, de rencontrer des équipes de montage et des techniciens du labo.

Entre les tournages de mai et de juin 2001, je suivrai un stage de deux semaines pour m’initier au logiciel de montage AVID.

 

3 – Le montage et les finitions

cinq mois de montage + trois mois de finitions jusqu’à la copie 1.

Je commence le montage dès les premiers jours de juillet (2001), dans l‘élan du tournage. Les premiers jours j’ai un assistant. Il introduit dans l’ordinateur une partie des rushes (j’en ai sélectionné 25 heures sur une soixantaine), puis il m’aide à me familiariser avec la machine. Au bout de trois semaines, je continue seul. J’éprouve un grand plaisir à monter le film, et ce travail m’absorbe entièrement. J’y passe toutes mes journées, six jours par semaine, dès 9 heures du matin, et quitte souvent ma salle à 21 heures, 22 heures, parfois plus tard encore.

Tout au long de cette période, j’entretiens les relations avec le village, les familles, notamment avec l’instituteur, à qui je téléphone plusieurs fois par semaine pour le tenir informé de l’avancement de mon travail. Fin octobre 2001, nous l’invitons à Paris pour qu’il vienne voir le montage en cours, qui est déjà très avancé : le début du film est encore en chantier, mais la deuxième moitié est solidement construite. Il se déclare heureux, confiant, et dès son retour au village, le fait savoir aux parents. Le montage reprend et bientôt, je sollicite le musicien Philippe Hersant, qui livrera ses musiques en décembre et que j’inclurai aussitôt dans le film.

Le montage s’achève le 31 décembre 2001. Commencé début juillet, il aura duré 5 mois (j’ai fait une pause de trois semaines en août). Mais il reste encore à faire ce qu’on appelle le « montage son » : à répartir les bandes sur des pistes différentes, à ajouter des sons d’ambiance, bref préparer le mixage.

Début janvier/fin avril 2002 : Le Centre National de Documentation Pédagogique, co-producteur du film, a demandé qu’en échange de son apport lui soit livrée une sélection de trois heures de rushes, pour que certaines écoles, une fois équipées de logiciels de montage, puissent utiliser à leur guise. Je m’attelle à cette tâche, pour laquelle je choisis de nombreuses séquences qui ne figurent pas dans le film. Au bout de trois semaines, cette sélection est achevée. Puis le travail sur le film reprend, et se diversifie : je supervise le montage son, que Julien Cloquet a pris en charge, puis viennent le mixage, et d’innombrables allers-retours au laboratoire pour l’étalonnage de la copie film, son transfert en vidéo, l’étalonnage du master vidéo, la mise en chantier de la traduction anglaise, la vérification des sous-titres anglais, etc…

Parallèlement, la préparation de la sortie se met en route. Régine Vial (Les Films du Losange) envisage de sortir le film début avril. Il faut faire vite !

4 – Préparatifs de la sortie salle, Cannes, première tournée de promotion

Dès novembre 2001, avec Régine Vial et son équipe, nous prenons une série de contacts avec la FCPE (la principale fédération de parents d’élèves) et avec les syndicats d’enseignants, afin de leur faire connaître l’existence du film et d’obtenir leur éventuel soutien. Courant décembre, certains responsables associatifs et syndicaux viennent voir le film sur la table de montage et se montrent emballés. Avec eux, nous réfléchissons aux formes que pourrait prendre leur soutien.

Début 2002, avec Marie Queysanne (attachée de presse) et Régine Vial, nous commençons à préparer le matériel de promotion. Nous choisissons des photos pour la presse, lançons la fabrication de l’affiche, élaborons le dossier de presse, pour lequel j’écris un long texte. Les rendez-vous avec la Fédération des Parents d’Élèves et les syndicats d’enseignants se multiplient. La FCPE décide de projeter le film lors de son congrès annuel, qui se tiendra en mai. Le SNUIPP fera de la pub dans son journal. Le SE-UNSA propose de parrainer une série d’avant-premières en juin, et de faire, lui aussi, de la publicité dans son mensuel.

 En mars 2002, nous prenons contact avec le comité de sélection du Festival de Cannes et la Quinzaine des réalisateurs, à qui nous proposons de voir le film. Régine Vial décide de repousser la date de sortie à la fin de l’été.

Fin avril, nous apprenons que le film est retenu en sélection officielle, hors compétition. Quelques jours plus tard, le 27 avril 2002, nous projetons le film à Clermont-Ferrand pour les enfants, leurs parents, le maître, les autorités académiques du Puy-de-Dôme, les représentants de la région, certains villageois… Dans la foulée, nous invitons les parents, les enfants et l’instituteur à Cannes.

Mai 2002 : nous préparons activement notre venue au Festival de Cannes : vérification des copies, choix d’extraits du film en cassettes pour les télévisions, bouclage des dossiers de presse en français et en anglais, tirage en série des photos sélectionnées, logement de l’équipe, accréditations… En termes de logistique, la venue des enfants, des parents et du maître n’est pas une mince affaire : transport depuis le village, accueil, logement des familles, repas, protocole lié à la montée des marches, réception sur le bateau d’ARTE… Autant de problèmes qui doivent trouver rapidement une solution.

À Cannes, bien que projeté dans une petite salle, le film reçoit un bel accueil, notamment de la critique. Premières interviews : « Le Monde », « Libération », « Les Cahiers du Cinéma », « Canal + », « ARTE », « France 2 », « France 3 »…

Dès mon retour de Cannes, avec le concours d’un monteur, je m’emploie à boucler la réalisation du film-annonce, commencée quelques semaines plus tôt.

Juin-juillet 2002 : j’entreprends une première tournée de promotion et d’avant-premières, dont la plupart ont été organisées en partenariat avec le syndicat d’enseignants SE-UNSA : Le 4juin, je suis à Bordeaux ; le 5, à Tulle ; le 6, à Toulouse ; le 8, j’enregistre une émission à la maison de la radio avec Serge Toubiana ; le 10, je suis à Orléans ; le 11, émission pour France-Culture, puis je vais à Lille ; le 13, je suis à Nancy ; le 14, à Nantes ; le dimanche 16, projection-débat au Balzac, à Paris ; le 17, je suis à Montpellier ; le 18, je me rends d’abord à Privas, puis à Calluire ; le 19, à Grenoble ; le 20, à Dijon ; le 22, à Châtenay-Malabry…

Chacun de mes déplacements en province se traduit par un débat avec les spectateurs et des interviews avec la presse locale.

Les 29 et 30 juin, toute l’équipe du film descend à Saint-Etienne-sur-Usson pour fêter le départ à la retraite de G. Lopez.

Le 7 juillet, projection du film au MK2 Quai de Seine dans le cadre du « Festin d’Aden ». Nous invitons G. Lopez à cette occasion. Débat avec la salle pour lui et moi. Le lendemain, séances photo et interviews (VSD, La vie, La Croix).

La date de sortie a été définitivement fixée au 28 août. Nous organisons des projections de presse pour ceux qui ne l’ont pas vu à Cannes. Pour moi, les interviews se multiplient : « Télérama », « Elle », « Témoignage Chrétien », « Studio », « Allo Ciné », « Les Inrrocks », « Paris Mômes », « Première », « Repérages », « Cinélibre », « Zurban », « l’Express », « Politis », « l’Enseignant », « Fenêtre sur cour, etc… sans compter de nombreuses radios et sites internet… J’écris un texte pour Libé, « Mes dates-clefs », ainsi qu’un courrier destiné à tous les directeurs des IUFM pour attirer leur attention sur l’existence du film. Nous procédons à également à des essais de projection dans différentes salles parisiennes. Je prends des vacances du 1er au 18 août. 5

5 – L’accompagnement du film : plus d’un an de voyages en France et dans le monde

Dès mon retour de vacances, les affaires reprennent. Je réponds à de nombreux interviews radios, télé, presse écrite  : «l’Humanité », « Mon Quotidien », « La Terre », « Psychologie Magazine », « Positif », « La Montagne », « L’écho de la Corrèze », « Ouest-France », « Les Dernières Nouvelles d’Alsace », « Presse Océan », « L’Yonne Républicaine », « Sud-Ouest », « La Provence », « La Dépêche du Midi », « La Voix du Nord », « Le Dauphiné Libéré », « l’Auvergnat de Paris »… Naturellement, les mêmes questions reviennent sur le tapis, mais puisqu’elles sont posées par des gens différents, je n’ai pas le droit de me dérober.

La tournée en province a repris de plus belle. G. Lopez monte à Paris le 25 août. Nous faisons ensemble une première série de déplacements puis, pour mieux couvrir la demande des exploitants, nous nous divisons. Pour lui, la série s’arrêtera aux alentours du 20 septembre (pour les raisons que l’on sait). De mon côté, ce n’est qu’un début…

Ainsi, d’octobre 2002 à octobre 2003, je consacrerai l’essentiel de mon temps à accompagner le film à l’étranger. J’irai à Bruxelles, Liège, New York, Florence, Rome et Turin, Montréal, Naples, Milan, Bologne, Berlin, Zürich, Berne, Athènes, Rotterdam, La Havane, Louvain, Londres, Séoul, Tokyo, Yokohama, Lulea (Suède), Stockholm, Mexico, Sao Paulo, Rio de Janeiro, Santiago du Chili, Buenos Aires… Voyages souvent harassants, programmes très chargés : conférences de presse, très nombreuses interviews ( Le record : 24 le même jour à Rome ! ) avant-premières, débats avec le public, rencontres avec des professionnels des pays visités, conférences dans les écoles de cinéma, réceptions officielles, etc…

Entre deux voyages, de passage chez moi, il faut bien entendu préparer le voyage suivant, et pour cela correspondre et parlementer avec les distributeurs des pays concernés, accorder des entretiens aux journalistes qui doivent boucler leur article avant ma venue… ou à ceux qui n’ont pas eu l’occasion de parler avec moi dans la ville dont je reviens.

Mais surtout, je dois faire face et répondre à d’innombrables courriers, mails, messages téléphoniques et sollicitations en tous genres. D’abord, les demandes de débat dans les salles françaises ne faiblissent pas. À quelques exceptions près, je déclinerai ; mais encore faut-il prendre le temps de répondre et souvent, devant l’insistance d’un exploitant, qui déploie toute une panoplie d’arguments pour vous, il faut savoir rester ferme. Et puis on me propose des pubs, on m’adresse des scénarios, on me demande de préfacer des livres ; d’en écrire ; des étudiants veulent faire leur maîtrise sur le film (ou mes films) et souhaitent me rencontrer. Deux critiques italiens, qui en juillet, ont passé trois jours à me questionner sur mon travail, mon parcours, mes films… m’adressent le décryptage de ce long entretien, qu’il faut toutes affaires cessantes remettre en forme avant sa publication sous la forme d’un livre. Ici, on m’écrit pour que je parraine une maison de la petite enfance ; là, pour que j’inaugure une salle. On me propose d’intervenir dans des colloques, de participer à des ateliers, à des jurys de festivals ; de faire des conférences, ce que j’accepterai ici ou là… Mais encore faut-il les écrire ! Quant à la presse française, elle revient à la charge : non plus cette fois pour que je parle du film, mais de son succès. Enfin, je reçois de nombreux courriers personnels, venant de spectateurs, connus ou inconnus de moi, des dessins d’écoliers, etc…

Je n’ai ni secrétariat ni agent, et m’efforce de répondre en temps et en heure à cette masse imposante et multiforme. J’y passe des soirées entières. J’y passe mes dimanches.

Parallèlement (de novembre 2000 à janvier 2001) je travaillerai avec France Télévision Distribution à la conception puis à la fabrication du DVD et de sa jaquette. 

En mars 2003, sortie commerciale du DVD et pour moi, nouvelle série d’interviews et débats dans diverses FNAC, à Paris et en province.

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