La Maison de la radio
Un documentariste à Radio France. Pas un reporter. Ça fait une différence. Cette visite du navire de la radio publique française n’est pas guidée par les interrogations qui vont de soi (qui fait quoi, qui tient le gouvernail…), mais par une curiosité toute personnelle, étonnante. Déroutante, même, car on guettera souvent en vain les coulisses de nos émissions préférées. Nicolas Philibert ne se préoccupe pas de la grille des programmes, il la franchit. Il entre dans les studios d’enregistrement en auditeur libre. Pour croquer avec sa caméra des visages, des attitudes, des moments auxquels nous n’aurions pas forcément prêté attention. Par exemple, les expressions muettes d’une jeune femme écrivain que reçoit Alain Veinstein. Il la présente et elle, suspendue à ses mots à lui, ne sait pas quand elle va devoir se lancer. Elle hésite, elle est au bord de la parole. Un magnifique fragment de cette réalité finalement assez étrange que Philibert explore : une réalité modifiée par la présence d’un micro. Fait pour porter la voix (des séquences musicales libèrent joliment cette énergie là), mais qui oblige parfois aussi à se taire, pour ne pas brouiller les ondes avec un brouhaha, ou pour qu’aucun bruit parasite ne se balade.
Plutôt qu’une profession, on voit ici des déformations professionnelles : comment le métier de la radio est passé dans le corps de ceux qui le font. Dans leur oreille, et dans leur présence même. En allant voir ceux qui parlent dans le poste, Philibert a rencontré des gens qui continuent à être un peu cachés, derrière leurs micros. On sent qu’il a aimé ce mélange de pudeur et d’expressivité qui fait un monde à part. Et un beau film.