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Philippe Cusin / Le Figaro – 22 juin 1988

Canal Plus diffuse cet après-midi un remarquable portrait de Roger Lapébie, vainqueur du Tour de France 1937. A soixante-dix-sept ans Lapébie, qui vit retiré à Talence, dans la banlieue de Bordeaux, continue de pratiquer avec la même passion son sport favori. Il parcourt de 100 à 125 kilomètres par jour, preuve que le vélo entretient la santé. Plus ancien maillot jaune encore en vie, Lapébie pourrait en remontrer à beaucoup de ses cadets.

Roger Lapébie entra dans la légende à 26 ans grâce à sa victoire. La France se découvrait un nouveau héros qui entrait dans la constellation des grands coureurs des années 30 aux côtés d’Antonin Magne, Charles Pélissier, André Leducq, Gino Bartali ou Le Grevès. Mais un grave accident survenu le 18 mai 1939 dans Bordeaux-Paris (fracture de la rotule) mit fin à une carrière féconde. Lapébie fut ensuite restaurateur à Arcachon, commerçant en cycles, agent d’une société de travaux métalliques.

« J’ai repris le vélo voilà dix ans, confie Lapébie, et je mène une vie heureuse, constamment par monts et par vaux. Je voyage fréquemment en suivant les grandes courses comme Paris-Nice, La Route de France, le Trophée des grimpeurs ou le Tour de France.  »

Mais Roger Lapébie constate l’évolution de l’épreuve reine au cours de ces cinquante dernières années : « Le Tour a vraiment beaucoup changé, ce qui n’ôte rien à la performance des coureurs d’aujourd’hui. A l’époque les équipes étaient nationales et ne dépendaient pas d’une marque comme aujourd’hui. En revanche, les autres courses comme Paris-Roubaix étaient ouvertes aux équipes privées, et je courais pour les Cycles Mercier à raison de 800 francs mensuels d’avant-guerre, soit l’équivalent du Smic. Les équipes du Tour de France étaient constituées d’une trentaine de membres, sans leader désigné. Cinq à six nations étaient représentées et les voitures suiveuses peu nombreuses. De même n’y avait-il pas de publicité. Le coureur devait se débrouiller seul, savoir lui-même réparer, et il ne pouvait compter sur une bicyclette de rechange. Les étapes, parfois très longues, de 300 à 400 kilomètres, se suivaient sans interruption. Nous accomplissions réellement le Tour de France. 4000 à 5000 kilomètres en 24 ou 26 jours. » (…) Le mérite de ce petit film est d’avoir su restituer avec sobriété l’atmosphère du cyclisme et l’épopée de ce grand coureur. Après sa programmation en codé sur canal Plus, il serait désormais temps qu’une autre chaîne le diffuse en clair pour le plus grand nombre.

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